Les taxis-motos ou « Zémidjan », iconiques du Bénin

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Longtemps perçus comme étant de simples alternatives dans les circulations urbaines, les taxis-motos communément appelés Zémidjan, ont pris une dimension importante dans le milieu des transports au Bénin au point d’être indispensables dans le quotidien aussi bien des Béninois que des étrangers y séjournant. Retour sur un mode de transport pas comme ailleurs.

Autrefois appelés les « Taxis-Kanan », ils servaient uniquement aux transports des marchandes d’Akassa, une pâte traditionnelle bénino-togolaise à base de manioc, des villages et zones de production vers les marchés. Plus tard, ils ont élargi leur clientèle. Une fois motorisés ils sont devenus les “Zémidjans”. 

Les zémidjans ou zem, les moto-taxis de Cotonou au Bénin - lamaisondubenin.com ©

A l'origine

Zémidjan en langue locale fon, langue dominante dans le sud du Bénin, signifie « Prends-moi vite » ou « Transport rapide porte à porte ».  C’est autour de 1989 que les Zémidjans sont pour la première fois reconnus comme un mode officiel de transport afin d’être une alternative aux autres moyens de transport disponibles au Bénin et desservir surtout une population qui n’aime pas perdre son précieux temps dans les innombrables bouchons. Il faut attendre 1993 pour voir la première corporation des Zémidjans, qui se chargera de réglementer le mode de transport de voyageurs que constitue les taxi-motos. 

Des années d’indépendance aux années 1980, la croissante de ce mode de transport fut exponentielle avant d’exploser en 1980. Le Bénin alors République populaire Marxiste-Léniniste est percuté de plein fouet par une crise économique et sociale. La Banque Mondiale avait alors imposé les P.A.S. (programmes d’ajustements structurels). Les entreprises de transports d’alors ont fait faillite et entraîné dans leur chute tout un système. Dans ce contexte délicat, le nombre de chômeurs avait connu une hausse sans précédent et plusieurs milliers de fonctionnaires se sont vu perdre leur emploi. Afin de subvenir aux charges familiales et joindre les deux bouts, plusieurs fonctionnaires ont dû se reconvertir en Zémidjans.

Au quotidien

De nos jours rien qu’à Cotonou on dénombre entre 200 000 et 250 000 Zémidjans, soit environ un taxi-moto pour environ 10 habitants.

Reconnaître un Zémidjan est plutôt facile. Il est souvent équipé d’une moto de fabrication asiatique en provenance généralement de la Chine, de la Corée du Sud ou plus récemment de l’Inde. Le vêtement des Zémidjans est relatif à chaque ville du Bénin. Ainsi à Cotonou, ville la plus peuplée du Bénin ils sont vêtus d’une chemise de manches courtes de couleur jaune avec un numéro d’immatriculation dans le dos de couleur vert ou bleu.

En Août 2018, le maire de la commune d’Abomey-Calavi (banlieue de Cotonou) a choisi de passer à la couleur verte. Dans la capitale Porto-Novo, les Zémidjans arborent une chemise bleue de manche courte. 

Les Zémidjans portent des casques, depuis un arrêté ministériel rendant obligatoire le port de casque du conducteur sous peine de sanctions. Avant cet arrêté, ils portaient majoritairement des casquettes pour se protéger notamment des rayons du soleil.

Nous avons surpris cette conversation entre un Zémidjan et un client non loin de la place de l’Etoile Rouge à Cotonou : 

  • Client : " Marché Tokpa. C’est combien ? "
  • Zémidjan : " 300 Francs "
  • Client : " Non 200 "
  • Avec un hochement de tête et un tic en signe d'approbation, il accepte finalement en invitant son client à monter.

Dans les pays de la sous-région, particulièrement au Nigéria ou au Ghana, le phénomène des taxis-motos a eu un effet inverse. C’est-à-dire que les quatre roues ont pris le dessus sur les taxis-motos au point où ces derniers tendent à être rares. Ca peut être encore différent, par exemple au Sénégal où ce sont les transports publics qui desservent en grande majorité la population. 

Au Bénin, il est indéniable que c’est la crise des années 80 qui explique ce phénomène d’une part. Et d’autre part, les centaines de jeunes milliers de diplômés sans emploi que produisent en masse les universités privées et publiques, qui pullulaient dans le secteur de l'éducation (et tendent à être régulées), car le marché de l’emploi souffre d’un déséquilibre chronique. À cela s’ajoute le phénomène de l’exode rural massif des jeunes de 18 à 35 ans, issues des régions rurales de l’Ouémé, du Mono, du Couffo, etc., à la quête d’un avenir meilleur dans les zones urbanisées.

Qui sont les Zémidjans ?

Ces dernières années, quoique le métier reste pénible, mais permettant au Zémidjan de subsister à ses besoins, on remarque un afflux d’immigrés s’essayant aussi au Zémidjan. La plupart sont des Guinéens et des Nigériens. 

Un spécialiste de la question du Zémidjan affirme que le mode de transport taxi-moto est à la fois un problème et une solution. En effet, selon lui le métier est une alternative au chômage. Les récents chiffres du chômage (2%) au Bénin, l’illustrent assez.

« Le diplômé de l’Université qui pour survivre exerce le métier de Zémidjan, n’est techniquement pas au chômage, mais est sous-employé. » 

FADIL AZON, UN JURISTE BÉNINOIS

Nonobstant cet intérêt des uns et des autres pour ce transport, le Zémidjan est la source de plusieurs problèmes tels que : l’accroissement de l’insécurité routière, l’encombrement du trafic routier, la surconsommation énergétique, la pollution sonore rythmée par l’impatience perpétuelle des conducteurs de Zémidjan et une pollution atmosphérique liée généralement à la consommation à grande échelle de l’essence frelatée. Très souvent utilisée au détriment de l’essence à la pompe, l’essence frelatée est devenue une marque déposée des Zémidjans. 

Par ailleurs facilitant les déplacements de proximités à prix réduits, les taxis-motos ont désormais relégué au second plan la pratique du vélo et la marche à pied. 

Pour plusieurs personnes interrogées sur la question, être Zémidjan est un problème. D’autres ne voient pas cela comme un véritable travail. Pour les Béninois en quête d’un statut financier stable, être Zémidjan constitue une sorte de dernier recours. La croissance exponentielle du nombre des taxis-motos n’aide pas les conducteurs à rentabiliser l'activité. Ainsi, il y a une décennie, l’activité était rentable, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. De plus, les Zémidjans ne jouissent pas d’une bonne réputation. Issus de classes sociales souvent défavorisées ou moyennes, ils végètent dans une précarité relative, avec des revenus quotidiens inférieurs à 2 000 Francs CFA soit environ 3 Euros. Ce qui est relativement bas, surtout quand l’on a une famille à nourrir à sa charge au Bénin.

La procédure pour exercer le métier de Zémidjan, n’est pas alambiquée comme le dit avec une pointe d’ironie, Charles Koutoni, un étudiant diplômé en licence en gestion des Ressources Humaines devenu Zémidjan depuis 2 ans et demi, pour survivre.


« Il suffit d’avoir une moto et d’acheter une chemise jaune immatriculé. Et le tour est joué. » La licence obligatoire qui donne droit à une immatriculation personnelle se troque contre une modique somme annuelle de 5 500 FCFA. Quant à ceux qui n’ont pas une moto il existe plusieurs moyens pour se procurer une moto. Des tontines (une sorte de microcrédit usurier) aux prêts en passant par les engagements auprès de personnes nanties, tous les moyens sont bons pour se procurer la moto indispensable.

Charles Koutoni, un étudiant diplômé en licence en gestion des Ressources Humaines devenu Zémidjan depuis 2 ans et demi, pour survivre

Régis, un conducteur de taxi-moto témoigne qu’il a pu acheter une moto grâce à une tontine spéciale. Cela lui a permis d’acheter par la suite plusieurs motos et de les mettre en circulation en tant que taxi-motos, en location gérance. La location gérance d’un taxi-moto permet au Zémidjan d’acquérir une moto à long terme, en payant par semaine au propriétaire une somme, qui varie entre 8 000 et 10 000 F CFA. Somme qui permet à ce dernier de se faire un bénéfice net, au terme du recouvrement allant de 2 à 3 années, situé entre 160 000 et 200 000, soit plus 50% du prix initial de la moto. 

Le quotidien d’un Zémidjan n’est pas aisé. Car il est souvent le premier à se lever avant l’aube et le dernier à se coucher, comme l’explique Bello Razack, Zémidjan à Porto-Novo : « Je me réveille avant 5 heures du matin tous les jours et je dors toujours après minuit ». Il ajoute en disant : « Il y a quelques années je dormais plus et je gagnais plus, je trouvais même le temps de me reposer dans l’après-midi pour un revenu quotidien supérieur à 5 500 FCFA. Aujourd’hui ce n’est plus le cas, malgré mes réveils à l’aube je réunis difficilement 3 000 FCFA (…) ».

De plus, il faut ajouter qu’un Zémidjan, dépense en moyenne 1 500 F CFA par jour, entre ce qu’il doit manger, l’essence et les dépenses associées à l’entretien de la moto. Résultat des courses, plusieurs sont obligés de travailler les week-ends, jours censés être plus rentables. D’où le risque très élevé de contracter des accidents de circulation, des maladies cardio-vasculaires, les accidents vasculaires cérébraux, et des problèmes pulmonaires.

Par ailleurs, les Zémidjans ont la réputation de ne suivre aucune règle de sécurité routière, ce qui met constamment en danger leurs vies et celles des usagers. Diane, une jeune commerçante dit :

« J’ai peur de prendre les Zémidjans à Cotonou. Ils conduisent de façon imprudente et exposent la vie des clients en dangers. Je n’ai pas le choix quand je suis en retard, car c’est rapide et cela m’évite les embouteillages sans fin à Cotonou. »

Diane, une jeune commerçante :

Et toi, est-ce que tu utilises les zémidjans ? As-tu eu déjà eu l'occasion de tester notre "rodéo urbain" national ?
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Transports


À propos de l'auteur

Lionel

Auteur du blog Visiter le Bénin. Lit beaucoup, adore voyager et ne passe pas une journée sans apprendre quelque chose.


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